L'hydravion transatlantique français Potez CAMS 161

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AV_Kasp
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L'hydravion transatlantique français Potez CAMS 161

Message par AV_Kasp »

La première ligne aérienne transatlantique France-Etats-Unis était un rêve qui ne devint réalité que sur le tard. Dès 1933, alors qu’Air France n’avait que 6 mois d’existence, la compagnie aérienne fut sollicitée par le Ministre de l’Air français Pierre Cot pour créer la première ligne aérienne entre l’Amérique du Nord et le continent européen. Cette ligne avait le choix entre 4 itinéraires : la « route arctique », 6500km, la « route orthodromique », 5820km, la « route des Açores » avec plusieurs escales, variant de 6800km à 7740km et enfin la « route des transatlantiques », comprenez par là celle des paquebots, qui faisait entre 6100km et 6200km, suivant le déplacement des Icebergs.

L’étude de ces itinéraires amena la conclusion suivante : seul un hydravion de 40 tonnes allait pouvoir exploiter la future ligne commerciale. Un hydravion parce que c’était l’avion le plus sûr de l’époque. Vu le manque de fiabilité des moteurs, l’hydravion pouvait toujours amerrir en cas de pépins et attendre les secours. Certes l’hydravion était plus lent, mais plus sûr. A l’époque, les priorités étaient les suivantes : la sécurité, la régularité puis la vitesse.

En 1936, le programme technique Atlantique Nord 40 tonnes était le suivant :
- hydravion de 40 tonnes en charge
- distance franchissable de 6000km par vent contraire de 60km/h
- 20 passagers couchés
- vitesse de croisière aussi grande que possible et au moins égale à 250km/h, sans dépasser 70% de la puissance nominale
- charge utile au moins égale à 5 tonnes
- possibilité de décoller et d’amerrir avec un mètre de creux, très bonnes qualités de tenue en dérive
- 6 moteurs maximum
- accessibilité des moteurs en vol et à flot bien étudiée
- grande facilité de vol avec moteur stoppé

Plusieurs constructeurs répondirent à ce projet. Le premier fut le Latécoère 521, « Lieutenant de Vaisseau Paris », qui réalisa non sans mal huit traversées de l’Atlantique Nord. A l’époque, c’était LE plus grand hydravion du monde et le plus rapide, devant l’immense Dornier X allemand, qui avait volé il y a déjà 10 ans. L’hydravion fut placé sous le signe du projet expérimental, et non commercial.

La guerre mit fin à ces longs vols, l’hydravion étant récupéré par la Marine française. Il fit 20 missions de guerre (reconnaissances). Après l’Armistice, l’avion décolla à la barbe des Allemands direction le Maroc. Mais il fut finalement rapatrié en France à la fin de l’année 1940. Des réparations le clouèrent au sol une bonne partie des années 1941 et 1942. Le LATE 521 fit un vol le 18 août 1942, puis le 8 octobre de la même année. C’était la dernière fois qu’il s’éleva dans les airs. Immobilisé, il fut garé dans un hangar de la BAN de Berre. En août 1944, devant l’avancée des Alliés, les Allemands firent exploser le LATE 521 dans son hangar, avec son frère jumeau, le « Ville de Saint Pierre »…

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Ce programme d’hydravion fut excessivement coûteux. Le LATE 521 fut initialement acheté 18,6 millions de francs par l’Etat. Celui-ci dépensera finalement 29,2 millions de francs. Pour cette somme, à l’époque, on obtenait par exemple 11 Spitfire Mk.I, 12 Curtiss H-75, 23 MS 406, 25 Dewoitine 520…


Un autre hydravion français (il y en avait encore d’avantage) fut construit pour survoler l’Atlantique Nord, le Potez CAMS 161. Vendu pour 17,7 millions de francs, il avait une envergure de 46m, pour une hauteur au sol de 8,30m. Pesant 46 tonnes, il pouvait emporter 26570 litres de carburant, alimentant 6 moteurs Hispano Suiza de 920ch de puissance nominale. Sa vitesse de croisière était de 291km/h, sa vitesse maximale atteignant les 350km/h. Avec 60km/h de vent de face, il pouvait franchir les 6000km demandés. Le programme fut lancé début 1937, mais les grèves qui paralysèrent la France durant les années du Front Populaire ralentit sérieusement sa construction. A tel point que lors de l’arrivée des Allemands en France, le CAMS 161 n’était toujours pas fini ! Les déboires avec l’Occupant repoussèrent encore la date de livraison, et c’est finalement en août 1941 que l’hydravion fut mis à l’eau pour la première fois ! Mais le feuilleton administratif n’allait pas s’arrêter là ! Les Allemands le considéraient comme « propriété du commandant en chef de la Luftwaffe », tandis que les Français étaient toujours en quête d’indépendance. Les autorités françaises cherchaient à faire passer l’avion en zone libre, en prétextant des liaisons commerciales à établir avec le Maroc. Il fut finalement basé à Marignane, après d’âpres discussions et de longs mois de gâchis. L’hydravion ne vola pour la première fois que le 20 mars 1942, escorté par des Messerschmitt prêts à le descendre si les Français tentaient de s’échapper. L’hydravion était bien sûr aux couleurs allemandes, et les ingénieurs de la Luftwaffe étaient là pour contrôler l’appareil. En avril 1942, le CAMS 161 reçut une immatriculation française, qui ne resta guère longtemps sur la carlingue. En effet, en novembre 1942, les Allemands occupèrent la zone libre. Cela perturba encore un peu plus les essais, qui se révélaient pourtant concluants, mais trop peu nombreux ! Fin juillet 1943, les autorités allemandes apposèrent de nouveau la croix gammée sur l’hydravion. En novembre de la même année, le gouvernement allemand décida de « disposer du CAMS 161 », en clair, c’était la réquisition tant redoutée ! Le personnel volant allemand commença à s’entraîner sur cet appareil, sans pour autant y avoir clairement été autorisé, tout cela étant noyé dans le flou diplomatique. Au cours du mois de janvier 1944, deux des trois plus gros hydravions avaient été convoyés vers l’Allemagne. Restait encore le CAMS 161, qui échappa de peu à un bombardement de 30 Lancaster le 10 mars 1944, entre 1h30 et 2h du matin, dont l’objectif était la base de Marignane. Le 20 avril 1944, à 10h, l’appareil, piloté par le pilote allemand Uwe Petersen, décolla de Marignane, survolant Lyon, Besançon, Mulhouse, Hanovre et enfin Travemünde. Tout au long du vol, il fut escorté par la chasse allemande. Sur sa nouvelle base, il reçut un autre camouflage et resta immobilisé pendant plusieurs mois.

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Le 18 septembre 1944, vers 11h, Uwe Petersen s’apprêtait à effectuer le tout premier vol du CAMS 161 à Bug-Auf-Rügen. Les moteurs étaient chauds, le personnel naviguant à son poste, et c’est alors que le pilote augmenta le régime des moteurs. Les six moteurs atteignirent leur puissance et l’hydravion s’élança à l’assaut de la mer, lourd parce que ravitaillé en carburant.

A 13000ft au dessus volait une section de 3 P-51D, du 375th Fighter Squadron, du 361st Fighter Group.
Le Lieutenant Urban Drew raconte : « Je menais la section « Cadet jaune » lorsque j’ai remarqué des hydravions au mouillage et à quai à Bug. Je suis descendu de 13000ft, soleil dans le dos, et j’ai atteint la base dans l’axe sud-ouest nord-est.
J’ai ouvert le feu à environ 800m sur un hydravion à 6 moteurs. J’ai noté des impacts sur toute la longueur des ailes et la partie avant de la coque. Je n’ai pas remarqué de feu. Mon ailier, le Lieutenant Travis, est descendu derrière moi et a ouvert le feu sur le même appareil. Il a noté des impacts du nez à la queue et sur les moteurs.
Mon numéro 3, le Lieutenant Rogers, tira également sur le même appareil. Il a noté des impacts des moteurs au fuselage. Après la ressource, j’ai vu des flammes tout le long des ailes et une énorme colonne de fumée qui s’élevait en tourbillonnant. […] Les Lieutenants Travis et Rogers revendiquent la destruction d’un hydravion, susceptible d’être un BV 222, et je demande, en ce qui me concerne, l’attribution de dommages sur cet appareil. »

Durant l’attaque, les pilotes américains utilisèrent 2630 balles de 12,7mm, ce qui est largement suffisant pour détruire le CAMS 161. Ainsi disparut un des plus promettants hydravions français, dont les si fiers concepteurs n’eurent plus qu’une envie une fois aux mains des Allemands : voir cet hydravion détruit…
Dernière modification par AV_Kasp le 03 mai 2007, 17:40, modifié 2 fois.

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AV_LOUL
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Message par AV_LOUL »

Sympa
Il n'y a pas eu la même histoire avec un hydravion géant long rayon d'action allemand (Blom&Voss je crois) qui se palnquait dans un lac . Les alliés avaient latrouille qu'il ne serve à la fuite de dignitaires nazis et l'ordre fut donné de le traquer et détruire.

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AV_Kasp
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Message par AV_Kasp »

Plusieurs hydravions BV 222 ont été capturés par les Britanniques en Norvège.

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Ils devaient à la base servir à convoyer personnellement Hitler et ses plus proches collaborateurs vers le Japon via la Groenland, à la fin de la guerre. Même après la mort de Hitler, il était toujours question d'une fuite vers un autre pays... Mais deux des avions ont été détruit au mouillage en Allemagne et deux autres furent capturés par les Britanniques...

Je ne sais pas par contre si les Alliés étaient vraiment au courant de ce genre d'opération. Enfin, ils ont sûrement dû l'envisager !

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